Exposition

Céramique
année 0

Cité du design – du 20 juin au 1er septembre 2019

Souche, Jarre Jean-Michel, 2000
H 80 x D 60 cm 80 kgSouche, Jarre Jean-Michel, 2000
H 80 x D 60 cm 80 kg
Céramique Année 0  fait suite à l'exposition Une jarre des jarres ?, présentée à Biot (Alpes-Maritimes) en avril 2018. Elle rendait hommage à René Augé-Laribé (1870-1947), fondateur de la Poterie provençale et inventeur de la technique du tour à corde, qui a permis de fabriquer, à partir de 1920, de manière simplifiée, les jarres de jardin. L'intérêt de cette technique est de fabriquer en toute petite série des pièces de grandes dimensions. Elle est toujours utilisée par des artisans dans le Languedoc et le sud-ouest de la France pour les pièces de grandes dimensions.

Céramique Année 0 est le résultat des travaux d'ateliers organisés à la Poterie provençale en 1999, 2000, 2002 et 2004 par Vincent Lemarchands, designer et enseignant à l'École d'art et design de Saint-Étienne (Esadse). Les designers Ugo La Pietra, George Sowden, Delo Lindo et l'artiste Souche ont été invités à travailler avec les étudiants des écoles de Marseille, Reims, Saint-Étienne et Toulon en collaboration avec les artisans de la poterie.
L'ensemble est complété par une douzaine de pièces d'étudiants conservées à l'école, d'une jarre du XVIIe conservée au Musée d'histoire et de céramique biotoises et d'une oeuvre de Gérard Traquandi, dernière production de la Poterie provençale avant sa fermeture définitive en 2009.

Entre tradition et modernité, un riche dialogue autour de l'argile permet de rapprocher les visions du designer et de l'artisan que tout tendait à opposer au XXe siècle. Ils s'intéressent tous deux à la poésie des objets qu'ils créent et qui sont porteurs de valeurs culturelles, politiques et écologiques. L'expérimentation menée à Biot atteste également du rôle moteur que jouent les écoles supérieures d'art et design dans l'activation de ces questions fondamentales.
Le design est une discipline ouverte dont l'enseignement nécessite des partenaires de jeu. Il s'enseigne autant par l'expérimentation de la matière et des techniques que par la réflexion sur l'identité culturelle des artefacts. En se plaçant à l'intersection des pratiques, les écoles donnent un rôle formateur à la pratique artisanale qui aide le designer à comprendre les langages formels de son propre métier et de ses enjeux.
Réciproquement, le designer qui s'empare d'un savoir-faire, lui donne son actualité car la diversité des gestes et des savoir-faire constitue une vaste réserve d'inspiration.

Céramique Année 0 est une coproduction entre la ville de Biot et l'École supérieure d'art et design de Saint-Étienne. Elle a été conçue pour être itinérante et permettre au visiteur de circuler librement entre les jarres installées sur un plateau qui le ramène dans l'atelier du potier. Un moment de contemplation qui s'inscrit dans le temps, dans l'histoire, les traditions et les savoir-faire.
 
Brigitte Hedel-Samson & Claire Peillod
Catégorie(s) : Exposition
Publié le : 03 Juin 2019
 
La jarre prêtée par le Musée d'histoire et de céramique biotoises montre bien que les jarres traditionnelles produites à Biot du XVIe au XIXe siècle se remarquaient par leur sobriété, leur fonctionnalité et leur durabilité. Elles permettent de stocker et de déplacer des denrées variées. Maniables et robustes, réputées dans le monde entier, elles contribuent au renom de la ville.
 
Au XXe siècle, leur remplacement progressif par d'autres modes de stockage (barils, fûts, container en métal, ciment puis plastique) les mute en accessoires de jardin et d'orangeraies. Dès les années 1920, devenues purement décoratives, les jarres de la Poterie provençale équipent et parent de leurs décors splendides les luxueuses villas de la Côte d'Azur. Son fondateur, René Augé-Laribé inscrit résolument sa production au sein des mouvements artistiques de l'époque : Arts and Crafts, Art nouveau puis Art déco.
 
Entre début 2000 et fin 2004 se déroulent dans l'entreprise La Poterie provençale à Biot quatre ateliers expérimentaux portant sur la production de volumineuses pièces en céramiques produites au tour à corde. Cette technique, utilisée pour la production de jarres de jardins, offre l'occasion à six artistes ou designers de renom et à trente-quatre étudiants de concevoir et participer chacun à la mise au point et la production d'une pièce de leur cru.
 
Au départ, à l'hiver 1999, le premier atelier est placé sous le regard expert d'Ugo La Pietra.
Artiste, architecte et designer de Milan, il est une icône du design radical qui, à partir du milieu des années soixante, va contribuer à déconstruire et reformuler les bases mêmes de l'architecture et du design en Europe. Dans les années quatre-vingt, il fait de l'artisanat de savoir-faire le principal outil de son travail. Il agit en instillant, par touches progressives, altérations et détournements au coeur de productions souvent trop figées par une tradition pesante.
Il demande à chacun des étudiants de réévaluer sur place ses dessins à l'aune de la riche iconographie locale.

Durant l'été 2000, la Stéphanoise de Design donne la recette d'un contre-atelier. Des règles expéditives (sans lever le crayon, on n'a pas le temps...), un mode d'exécution lapidaire (pas de petites mains, pas de repentir) et des modèles étranges (Fortunato Depero, l'hebdomadaire Hara-Kiri, l'animateur Pierre Bellemare) déconcertent et interrogent. Souche (Jarre Jean-Michel) et Vincent Lemarchands (Jarre aux pointes de diamant) lancent leur bouchon sur les eaux calmes et poissonneuses de la confluence de l'art et du design.

Au printemps 2002, c'est au tour du designer anglais George Sowden de prendre les rênes d'un atelier. Co-fondateur de Memphis, George Sowden partage son activité entre le fameux groupe milanais et des études pour les plus grandes sociétés industrielles (Olivetti, Swatch, Moulinex, Tefal, Pyrex et Alessi). Il dessine pour Biot deux vases géants, l'un vernissé et ornementé, l'autre muni d'un petit couvercle. Fidèle à l'esprit du Néo Design de Memphis et peu soucieux d'imposer quelque règle que ce soit aux étudiants, il laisse les propositions advenir au point que certaines restent encore aujourd'hui sans affectation ni fonction claire, véhiculant la seule énergie de leur forme.
En 2004, c'est au groupe parisien Delo Lindo, composé de Fabien Cagani et Laurent Matras, que revient la charge de conduire un nouvel atelier. L'agence allie des scénographies de salons professionnels et des productions maison à du design industriel (Téfal, Fermob, Ligne Roset, Grosfillex, Schneider Electric). Plutôt que de dessiner de nouvelles pièces pour jardin, Delo Lindo souhaite explorer les possibilités offertes par d'autres fonctions. À l'instar du plastique, du verre, du métal ou du bois, la terre de Biot se met au service de la production de meubles, luminaires, jeux et autres équipements.

Enfin, en 2009, peu de temps avant la fermeture définitive de l'établissement, la Poterie provençale accueille l'artiste marseillais Gérard Traquandi pour une ultime fournée consacrée à la création contemporaine.

Vincent Lemarchands

Commissaire de l'exposition : Brigitte Hedel-Samson, conservateur honoraire
et Vincent Lemarchands, designer et enseignant à l'Esadse

Scénographie :
Birgitte Fryland, société Scéno, Nice
Réadaptation - Cité du design, Éric Bourbon, 2019

Graphisme :
Magali Hynes, Biot
Réadaptation - Cité du design, Laure Oustrie, 2019

Exposants :
Stéphanie Chaussard, Cyril Cometti, Jean-Charles Concas, Bérénice Coupin-Beauvilain, Delo Lindo (Fabien Cagani & Laurent Matras), Emmanuelle Ferdyan, Myrtille Favre & Gabrielle Grimaldi, Marjolaine Guénon, Déborah Gunther-Heyob, Damien Hervé, Céline Janczak, Ugo La Pietra, Vincent Lemarchands, Alexandros Harilaos-Nikolaïdis, Olivier Noël, Nadège Proriol, Laure Raggi, Sandrine Ringenbach-Chevalier, Laetitia Sellier, Souche, George Sowden, Suyan Huang, Magali Théoleyre, Gérard Traquandi.

Avec le soutien et la participation du musée d'histoire et de céramique biotoises (Eve Diebolt)