Opéra
États-Unis, 16 août 2016Mon cher Aram Novoyan,
On ne se connaît pas encore mais je voudrais vous remercier, votre travail m'a redonné foi en ce que je ne voulais plus croire...
Voilà presque dix ans déjà que je suis considéré comme le meilleur téléspectateur du monde. C'est autant un honneur et une joie, qu'une tristesse absolue au quotidien. Cette position m'amène à visionner un nombre incalculable d'images qui se répètent, se ressemblent et se répètent. Beaucoup d'entre elles laissent entrevoir les traces de leur fabrication, ce qui les rend plus prévisibles encore qu'elles rendent mes journées assommantes et fastidieuses. Heureusement, dans ce capharnaüm ordonné, il y en a quelques-unes qui sortent leur épingle du jeu.
Le jeu est justement au coeur de ces images car elles sont issues de la retransmission audiovisuelle du sport. Pourtant, je n'ai rien d'un athlète : ma plus grande peur au collège c'était le cours de gymnastique de Mrs Brown. Mon père - qui court au minimum 50km par jour depuis que je le connais - a bien essayé de me convertir mais bon... Moi, ce que j'aime ce sont les bandes dessinées, la science-fiction, les super-héros, les jeux vidéo et la mayonnaise. Des choses pour lesquelles je n'ai nullement besoin de transpirer pour en apprécier les bienfaits.
Alors pourquoi le sport à la télévision m'interpelle tant ? C'est là que vous et votre Superloupe entrez en piste.
En plus d'apporter une meilleure compréhension du jeu, vos ralentis permettent de sublimer les joueurs. À l'écran, ils paraissent immenses, ils nous dépassent et leurs gestes - les plus insignifiants comme les plus atroces - deviennent grandioses et extraordinaires.
En réalité, c'est ce qui me captive : la dimension dramatique qu'épouse le sport à la télévision.
En apportant de la précision au jeu avec vos slow motion, vous avez donné la possibilité aux réalisateurs de raconter de nouvelles histoires, de fabriquer des super-héros d'un genre nouveau. Vos prouesses technologiques montrent les sportifs avec grandiloquence. C'est une grandiloquence, toutefois mesurée, par rapport à celle utilisée par les superproductions hollywoodiennes, opératique à l'excès. Dans ces films tout est chorégraphié et synthétique, les acteurs font semblant : ils jouent.
Les sportifs jouent aussi, seulement leurs attitudes, leurs paroles et leurs mouvements sont purs et spontanés car ils ne sont pas guidés par un script. Ils ne jouent pas pour les caméras, elles doivent faire avec (pas très fair-play). C'est pourquoi le sport demeure un des événements les plus complexes à filmer, les protagonistes sont indifférents et imprévisibles. En essayant de contrôler leur imprévisibilité, en contournant leur indifférence, vous et vos partenaires parvenez à en faire autre chose que de simples joueurs, de quoi faire rêver de nombreux téléspectateurs, moi y compris...
J'ai encore de nombreuses choses à vous dire et cette simple lettre n'est pas suffisante pour en faire le tour.
Alors pourquoi ne pas se rencontrer prochainement ? Je suis sûr que mon érudition combinée à votre science donnera lieu à de savoureux échanges.
En attendant, je vous remercie encore mille fois Monsieur Novoyan, grâce à vous mon amour pour la télévision renaît, il n'est plus mort.
Craig Feldspar
Nadjib Ben Ali - option Art - Creamy Kalachnikov ©sbinoux
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